2017/11/30

H pour Harmonie




Si chaque atome de matière, chaque créature vivante est en quelque sorte une corde qui vibre, pour que l’univers ne soit pas un chaos et parte dans tous les sens, pour que nous assistions à l’éclosion magnifique de tout ce qui est, il faut une harmonie et la seule harmonie possible vient de l’accord des parties, un accord non pas imprimé à la surface à posteriori mais implanté au cœur de chaque élément, un « la » universel permettant l’accord de toute chose et leur développement harmonieux, une ‘Mélodie secrète’ dirait Trin Xuan Thuan, un but uniforme aussi probable que l’arrivée d’une flèche tirée par un archer sur un timbre-poste placé au confins de l’univers.

Cet exploit sans nom, ce miracle impossible, c’est la vie. Le sentiment imbriqué dans toute créature vivante qu’il fait partie de cette odyssée incroyable mais vraie. La constante est celle de la vie, le but est de vivre. Si simple que cela paraisse, cela dépasse toutes les perspectives humaines, les rêves les plus fous. Quoique l’homme soit capable de nier, et de justifier la négation, d’Aristote aux Rabbins en passant par Dupond et Dupont, la vie nécessite une approbation et c’est elle qui blesse, c’est là le nœud Gordien de l’humanité. Se voir supérieur à la nature. Se croire au-dessus, au-delà des fonctions fondamentales, se considérer différent, se vanter de posséder la maitrise de ce qui est.

Et cependant, se dissocier de son origine est la perte la plus grande que puisse faire l’humanité. Pour de vaines légendes sorties d’une imagination étroite et vaine, pour des images creuses ou des vanités malfaisantes, l’homme se sépare de la seule chose dont il peut se valoir, de la seule chose qui fait de lui un grand parmi les grands de l’univers, sa vie naturelle, son essence de vie, son immortalité pourrait-on penser aussi ou, au moins, son lien avec l’infini que représente la vie qui est en lui. Les sociétés humaines ont été jusqu’à présent bien plus des étouffoirs de progrès, d’initiatives individuelles et collectives, locales et régionales que le contraire malgré tous les soi-disant progrès effectués qui d’ailleurs s’effondrent les uns après les autres.


Seul le soleil éclaire tout le monde, pour l’instant … En conclusion, si l'humanité est divisée et soumise, c'est qu'elle ne cherche pas son unité là où il faut. Ce n'est pas un signe extérieur, drapeau, slogan, théorie, croyance qui remplacera jamais la seule racine commune de tous ces hommes qui se veulent si différents les uns des autres, et pour ce faire différents d'eux-mêmes, mais un retour à notre nature première d'êtres vivants. Encore faut-il le vouloir !! La seule chose à laquelle l'homme peut devenir supérieur, c'est lui-même ...



















(google CRISPR)






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Extraits, Georges Darien, 'Le voleur'


"Instruction ; éducation. On m’élève. Oh ! L’ironie de ce mot la !…
Éducation. La chasse aux instincts. On me reproche mes défauts ; on me fait honte de mes imperfections. Je ne dois pas être comme je suis, mais comme il faut.
Pourquoi faut-il ?… On m’incite à suivre les bons exemples ; parce qu’il n’y a que les mauvais qui vous décident à agir.

On m’apprend à ne pas tromper les autres ; mais point à ne pas me laisser tromper.
On m’inocule la raison – ils appellent ça comme ça – juste à la place du coeur. Mes sentiments violents sont criminels, ou au moins déplacés ; on m’enseigne à les dissimuler.
De ma confiance, on fait quelque chose qui mérite d’avoir un nom : la servilité ; de mon orgueil, quelque chose qui ne devrait pas en avoir : le respect humain.
Le crâne déprimé par le casque d’airain de la saine philosophie, les pieds alourdis par les brodequins à semelles de plomb dont me chaussent les moralistes, je pourrai décemment, vers mon quatrième lustre, me présenter à mes semblables.
J’aurai du savoir-vivre. Je regarderai passer ma vie derrière le carreau brouillé des conventions hypocrites, avec permission de la romantiser un peu, mais défense de la vivre.

J’aurai peur.
Car il n’y a qu’une chose qu’on m’apprenne ici, je le sais ! On m’apprend à avoir peur.
Pour que j’aie bien peur des autres et bien peur de moi, pour que je sois un lieu-commun articulé par la résignation et un automate de la souffrance imbécile, il faut que mon être moral primitif, le moi que je suis né, disparaisse.
Il faut que mon caractère soit brisé, meurtri, enseveli. Si j’en ai besoin plus tard, de mon caractère – pour me défendre, si je suis riche et pour attaquer, si je suis pauvre – il faudra que je l’exhume. Il revivra tout à coup, le vieil homme qui sera mort en moi – et tant pis pour moi si c’est un épouvantail qui gisait sous la dalle ; et tant pis pour les autres si c’est un revenant dont le suaire ligotait les poings crispés, et qui a pleuré dans la tombe !
Et souvent, il n’y a plus rien derrière la pierre du sépulcre.
La bière est vide, la bière qu’on ouvre avec angoisse. Et quelquefois, c’est plus lugubre encore.
Les rivières claires qui traversent les villes naissantes… On jette un pont dessus, d’abord ; puis deux, puis trois ; puis, on les couvre entièrement. On n’en voit plus les flots limpides ; on n’en entend plus le murmure ; on en oublie même l’existence, Dans la nuit que lui font les voûtes, entre les murs de pierre qui l’étreignent, le ruisseau coule toujours, pourtant. Son eau pure, c’est de la fange ; ses flots qui chantaient au soleil grondent dans l’ombre ; il n’emporte plus les fleurs des plantes, il charrie les ordures des hommes. Ce n’est plus une rivière ; c’est un égout.

Je ne suis pas le seul, sans doute, à avoir deviné la tendance malfaisante d’un système qui poursuit, avec le knout du respect, l’unité dans la platitude. L’enfant a l’orgueil de sa personnalité et le fier entêtement de ce qu’on appelle ses mauvais instincts."



"L’ironie n’est pas rare chez lui ; et il se venge par sa moquerie, toujours juste, du personnage ou de la doctrine qui cherche à peser sur lui. Mais la raillerie n’est pas assez forte pour la lutte.
De là ce mélange de douceur et d’amertume, de patience et de méchanceté, de confiance large et de doute pénible que je remarque chez plusieurs de mes camarades – toujours enfants très heureux ou très malheureux dans leurs familles – et qui se résout dans une tristesse noire et une inquiétude nostalgique.
Non, le sarcasme ne suffit point. Ce n’est pas en secouant ses branches que le jeune arbre peut se débarrasser de la liane qui l’étouffe ; il faut une hache pour couper la plante meurtrière, et cette hache, c’est la Nécessité qui la tient. C’est elle qui m’a délivré.
Il y a une chose que je sais et qu’aucun de mes camarades ne sait encore : je sais qu’il faut vivre.

Je sais qu’il faut avoir une volonté, pour vivre, une volonté qui soit à soi – qui ne demande ni conseil avant, ni pardon après.
Je sais que les années que je dois encore passer au collège seront des années perdues pour moi. Je sais que les avis qu’on me donnera seront mauvais, parce qu’on ne me connaît point et que je ne suis pas un être abstrait. Je sais que ce qu’on m’enseignera ne me servira pas à grand-chose ; qu’en tous cas j’aurais pu l’apprendre tout seul, en quelques mois, si j’en avais eu besoin ; et qu’il n’y a, en résumé, qu’une seule chose qu’il faille savoir, « Nul n’est censé ignorer la loi. » Est-ce que c’est classique, ça, ou simplement péremptoire ?

– La morale, dit-il, est une chose excellente en soi, et même nécessaire. Mais il faut qu’elle reste en rapports étroits avec les réalités présentes ; qu’elle en soit, plutôt, la directe émanation.
Jusqu’à une certaine époque, le XVIe siècle si vous voulez, toute théologie, et par conséquent toute morale, était basée sur sa cosmogonie. Le vieux système de Ptolémée s’est écroulé ; mais le monde moral à trois étages qui s’appuyait sur lui : enfer, terre et ciel, lui a survécu ; c’est un monument qui n’a plus de base.
La morale doit évoluer, comme tout le reste ; elle doit toujours être la conséquence des dernières certitudes de l’homme ou, au moins, de ses dernières croyances. La transformation d’un univers, divisé en trois parties et formellement limité, en un autre univers infini et unique devait entraîner la métamorphose d’un système de morale qui n’était plus en concordance avec le monde nouveau ; il est regrettable que cette nécessité n’ait été comprise que de quelques esprits d’élite que les bûchers ont fait disparaître. Il en résulte que notre vie morale actuelle, si elle est incorrecte devant le critérium conservé, prend les allures d’une protestation contre quelque chose qui n’existe point ; et qu’elle manque de signification, si elle est correcte. C’est très malheureux…"



 "Non, pas d’idéal ; d’aucune sorte. 
Je ne veux pas avoir ma vie obscurcie par mon ombre."



"Le vieux précepte : « Tu ne voleras pas » est excellent ; mais il exige aujourd’hui un corollaire : « Tu ne te laisseras pas voler. » Et dans quelle mesure faut-il ne pas voler, afin de ne point se laisser voler ?
Croyez-vous que ce soient les Codes qui indiquent la dose ? Certes, il y a de nombreuses fissures dans les Tables de la Loi ; et la jurisprudence est bien obligée de les élargir tous les jours ; je pense pourtant que ce n’est point suffisant, je ne vous parlerai pas de la façon dont les foules, en général, interprètent les principes surannés qui ont la prétention ridicule de diriger la conscience humaine ; mais avez-vous remarqué comme les magistrats, les juges, lorsqu’ils y sont forcés, exposent pauvrement la morale ? J’ai voulu m’en donner une idée, et j’ai visité les prétoires. Monsieur, c’est absolument piteux. Mais comment voulez-vous qu’il en soit autrement ?… Les conséquences d’un pareil état de choses sont pénibles ; il produit forcément la division de l’Humanité en deux fractions à peu près égales : les bourreaux et les victimes. Il faut dire qu’il y a des gradations. Si vous êtes bourreau, vous pouvez être usurier comme vous pouvez être philanthrope ; si vous êtes victime, vous pouvez être le sentimentaliste qui soupire ou la dupe qu’on fait crever… Il me semble que les grands prophètes hébreux, qui furent les plus humains des philosophes, ont donné, il y a bien longtemps – à l’époque où ils lançaient les glorieuses invectives de leur véhémente colère contre un Molochisme dont celui d’aujourd’hui n’est que la continuation mal déguisée – ont donné, dis-je, quelque idée de la morale qu’ils prévoyaient inévitable. « Ne méprise pas ton corps », a dit Isaïe. Monsieur, je ne connais point de parole plus haute. – Riche ! ne méprise pas ton corps ; car les excès dont tu seras coupable se retourneront contre toi, et la maladie hideuse ou la folie plus hideuse encore feront leur proie de tes enfants ; tu ne peux pas faire du mal à ton prochain sans mépriser ton corps. Pauvre ! ne méprise pas ton corps ; car ton corps est une chose qui t’appartient tu ne sais pas pourquoi, une chose dont tu ignores la valeur, qui peut être grande pour tes semblables, et que tu dois défendre ; tu ne peux pas laisser ton prochain te faire du mal sans mépriser ton corps.

– Ça, voyez-vous, c’est une base, il est vrai qu’elle est individualiste, comme on dit. Et l’individualisme n’est pas à la mode…

Parbleu ! Comment voudriez-vous, si l’individu n’était pas écrasé comme il l’est, si les droits n’étaient pas créés comme ils le sont par la multiplication de l’unité, comment voudriez-vous forcer les masses à incliner leurs fronts, si peu que ce soit, devant cette morale qui ne repose sur rien, chose abstraite, existant en soi et par la puissance de la bêtise ? C’est pourquoi il faut enrégimenter, niveler, former une société – quel mot dérisoire ! – à grands coups de goupillon ou à grands coups de crosse. Le goupillon peut être laïque ; ça m’est égal, du moment qu’il est obligatoire. Obligatoire ! tout l’est à présent : instruction, service militaire, et demain, mariage. Et mieux que ça : la vaccination. La rage de l’uniformité, de l’égalité devant l’absurde, poussée jusqu’à l’empoisonnement physique ! Du pus qu’on vous inocule de force – et dont l’homme n’aurait nul besoin si la morale ne lui ordonnait pas de mépriser son corps ; – de la sanie infecte qu’on vous infuse dans le sang au risque de vous tuer (comptez-les, les cadavres d’enfants qu’assassine le coup de lancette !) du venin qu’on introduit dans vos veines afin de tuer vos instincts, d’empoisonner votre être ; afin de faire de vous, autant que possible, une des particules passives qui constituent la platitude collective et morale…
C’est le prestige abrutissant de leur science charlatanesque qui est arrivé à donner aux êtres la peur de l’existence, ce souci du lendemain qui avilit, cette résignation égoïste et dégradante ; c’est la cruauté de leur science impitoyable et sanglante qui incite les êtres à tuer leurs petits. Eh ! bien, moi, je pense que les riches qui tuent leurs gosses mériteraient qu’on leur coupât le cou ; et quant aux pauvres qui en font autant, je pense qu’il faut qu’ils soient rudement lâches pour aimer mieux assassiner leurs petits que de faire rendre gorge aux gredins qui leur enlèvent les moyens de les élever."



"La philanthropie en passant ses béquilles sous les bras des malheureux, 
les rend incurablement infirmes."



"Permettez-moi de vous donner un exemple. Les mineurs du bassin de la Loire possèdent presque tous la petite maison et le jardin dont vous parlez ; ils y vivent bien, ne se refusent pas grand’chose. Monsieur, il n’y a pas d’êtres plus insatiables et plus tyranniques envers leurs patrons. Ils ne sont jamais contents, bien qu’ils soient parvenus à arracher des salaires exorbitants, et vont mettre sur la paille, un de ces jours, les capitalistes qui les emploient. Les mineurs des départements du Nord, au contraire, habitent des tanières infectes, vivent de pommes de terre avariées, croupissent dans la plus abjecte destitution ; eh ! bien, ils ne se plaignent pas, ou d’une façon si timide que c’en est ridicule ; savez-vous pourquoi ? Parce que l’habitude de la misère les oblige à la résignation. Et il est inutile de vous dire si les actions des mines qu’ils exploitent valent de l’or en barre !"



"Un bâtiment occupé n’a pas du tout la même odeur qu’une maison que ses habitants ont quittée, serait-ce seulement depuis deux heures. La différence est énorme, bien que les honnêtes gens ne s’en aperçoivent pas ; leur sensibilité olfactive est tellement émoussée ! Mais, sous la pression de la nécessité, le sens de l’odorat se développe chez le malfaiteur, acquiert une finesse remarquable et lui assure la notion des odeurs, des particules impalpables des corps, dont le commun des mortels ne soupçonne même pas l’existence. Le voleur, enfant de la nature, sait flairer la présence de ses contemporains civilisés. Mille indices, imperceptibles à la Vertu planant sur les plus hauts sommets, sont facilement déchiffrables pour le crime habitué à ramper bestialement dans la poussière d’ici-bas. Le vice a ses petites compensations."



"Des oeufs brouillés symbolisent pour lui l’état présent de la Société, 
dédaigneuse de l’harmonie nécessaire."

  

"La Société !
C’est la coalition des impuissances lépreuses. Quel est donc l’imbécile qui a dit le premier qu’elle avait été constituée par des Forts pour l’oppression des Faibles ? 
Elle a été établie par des Faibles, et par la ruse, pour l’asservissement des Forts. 
C’est le Faible qui règne, partout ; le faible, l’imbécile, l’infirme ; c’est sa main d’estropié, sa main débile, qui tient le couteau qui châtre…"








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